Les impacts du 750-1 CPC sur le déroulement d’un procès

Le 1er janvier 2020 a marqué un tournant discret mais déterminant : l’article 750-1 du Code de procédure civile impose désormais, pour certains litiges, de tenter d’abord une résolution amiable avant d’engager une action en justice. Faute de respecter ce passage obligé, la demande peut être écartée d’emblée, le juge ayant l’obligation de soulever lui-même cette irrecevabilité.

Des situations spécifiques permettent d’y échapper, notamment en cas d’urgence ou si la partie adverse demeure injoignable. Mais dans la plupart des cas, cette exigence bouscule la configuration classique du procès civil, modifiant les rapports entre les parties et le tempo de la procédure.

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Comprendre l’article 750-1 du code de procédure civile : origines et objectifs

L’article 750-1 cpc s’insère dans l’effort continu de refonte de la procédure civile. Né du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, puis relancé par le décret n°2023-357 du 11 mai 2023, il prolonge l’ambition déjà manifeste dans la loi n°2016-1547 et la loi n°2019-222 : remettre la résolution amiable des conflits au centre du jeu. Face à la saturation des tribunaux, l’État veut instaurer une culture du dialogue, là où la saisine du juge était autrefois le réflexe premier.

Concrètement, pour les litiges relevant du tribunal judiciaire, notamment ceux dont l’enjeu financier ne dépasse pas 5 000 euros ou les différends de voisinage, la tentative amiable devient un passage incontournable. Avant tout acte introductif d’instance, il faut donc s’orienter vers la médiation, la conciliation ou la procédure participative, et en attester la réalité. Ce n’est plus une case qu’on coche à la va-vite : chaque acteur du procès, justiciable ou avocat, doit montrer patte blanche sur la démarche amiable.

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Ce virage vise à réduire la pression sur les juges, responsabiliser les adversaires et encourager des accords négociés. Mais l’article 750-1 cpc ne se limite pas à déplacer la charge procédurale : il invite à repenser la place du juge, désormais sollicité en bout de chaîne. Cette redéfinition du paysage judiciaire fait débat, certains y voient une avancée, d’autres une fausse bonne idée. Une chose est sûre : les modes alternatifs de règlement des différends ne sont plus de simples options, mais l’étape attendue dans la plupart des litiges civils.

Pourquoi la tentative amiable obligatoire change la dynamique des procès civils ?

Avec l’arrivée de la tentative amiable obligatoire, la gestion des contentieux civils prend une tout autre allure. Plus question de saisir le tribunal sans avoir exploré d’abord une solution amiable : conciliation par un conciliateur de justice, médiation auprès d’un professionnel indépendant, ou procédure participative animée par les avocats. Cette étape, loin d’être cosmétique, impose une nouvelle logique aux parties.

Le règlement amiable s’impose désormais pour bon nombre de litiges de moins de 5 000 euros ou de conflits de voisinage. Les justiciables, guidés ou épaulés par leur conseil, doivent explorer des terrains d’entente, parfois inédits. Le juge, longtemps figure centrale, n’intervient qu’après l’échec de ces démarches. Cette évolution donne un poids inédit aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD).

Les enjeux pratiques

Voici les principaux changements à intégrer dès l’ouverture d’un dossier :

  • Accès au juge subordonné à la démonstration d’une tentative amiable, sous peine de voir la demande rejetée d’entrée de jeu.
  • Renforcement du rôle et des compétences des conciliateurs, médiateurs et avocats, qui doivent maîtriser ces outils de dialogue.
  • Réorganisation du temps judiciaire : la tentative amiable suspend la possibilité de saisir le juge, sans pour autant interrompre la prescription.

En imposant une étape de négociation, la procédure civile fait émerger une nouvelle culture du compromis, tout en forçant les parties à repenser leur stratégie et leur gestion du temps.

Les situations concernées et les principales exceptions prévues par la loi

L’article 750-1 CPC vise plusieurs types de litiges civils : actions devant le tribunal judiciaire, dossiers dont l’enjeu financier ne dépasse pas 5 000 euros, ou conflits de voisinage, y compris le trouble anormal de voisinage. Ces affaires, souvent banales en apparence, pèsent pourtant lourd dans le quotidien des justiciables.

Mais la règle connaît des ajustements. Certaines situations permettent de s’affranchir de la tentative amiable. Un motif légitime, urgence manifeste, impossibilité de contacter la partie adverse, nécessité d’une décision unilatérale, autorise la saisine directe du tribunal. Il en va de même pour les procédures simplifiées de recouvrement, les demandes d’homologation d’un accord déjà trouvé, ou si le délai pour organiser une réunion de conciliation excède trois mois.

Voici les principales exemptions prévues :

  • Les affaires jugées devant le tribunal de commerce ou le conseil de prud’hommes ne sont pas soumises à cette obligation.
  • Les recours préalables prévus par le code de la consommation, entre autres, échappent au dispositif.
  • Les procédures d’injonction de payer, les requêtes et les assignations en urgence figurent aussi dans la liste des exceptions.

La frontière entre obligation et exception se dessine au cas par cas. Chaque dossier mérite une analyse pointilleuse : la moindre négligence peut conduire à l’irrecevabilité de la demande, avec toutes les conséquences que cela implique.

Main échangeant un document juridique sur un bureau en tribunal

Conséquences pratiques pour les justiciables et les professionnels du droit

Chaque acte introductif d’instance doit désormais mentionner en détail les démarches amiables entreprises, sous peine d’irrecevabilité immédiate, conformément à l’article 54 du code de procédure civile. Les décisions récentes des cours d’appel, Lyon, Nîmes, rappellent que de simples échanges de courriers ne suffisent pas : il faut une démarche structurée, qu’il s’agisse d’une conciliation, d’une médiation ou d’une procédure participative formalisée.

Côté justiciable, cette exigence ajoute une étape et parfois une dépense supplémentaire, même si la protection juridique peut prendre en charge tout ou partie des frais. La Cour de justice de l’Union européenne a reconnu la possibilité d’un remboursement partiel des frais de médiation, mais la pratique reste variable selon le tribunal saisi.

Pour les professionnels du droit, la vigilance est de mise : l’absence de tentative amiable sérieuse, ou de justification valable, peut entraîner la nullité de la demande, voire des sanctions. La tentative amiable ne suspend pas la prescription, ce qui oblige à surveiller de près les délais. Avocats, créanciers, débiteurs doivent désormais composer avec ce filtre procédural, qui rebat les cartes de la stratégie contentieuse et bouscule le calendrier du procès civil.

Le paysage procédural s’est transformé : la justice civile, plus que jamais, demande d’abord de savoir dialoguer avant de plaider. Une nouvelle donne, qui oblige à réapprendre l’art du compromis sans perdre de vue l’objectif : obtenir, au final, une réponse adaptée à chaque situation.